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Arkantz - Blog humaniste & républicain de vigilance
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8 janvier 2008

Justice, droit des victimes, respect du droit

rachida_dati

Justice, droit des victimes, respect du droit



Les derniers faits divers impliquant des récidivistes ont relancé l’idée de maintenir les criminels les plus dangereux à l’écart de la société. Avec son projet de loi prévoyant de créer des centres fermés pour les pédophiles en fin de peine condamnés à plus de 15 ans de réclusion, la Garde des Sceaux, Rachida Dati vient susciter la contestation, tant du corps judiciaire dans son ensemble, que des syndicats, associations ou des politiques. Certes, la question abordée est bien celle des crimes commis à l’égard des mineurs, qui aux yeux de beaucoup sont les plus odieux. On se souvient de l’affaire Patrick Dills ou de l’emblématique cas de Christian Ranucci ; si le premier a été acquitté après quinze années passées en prison, le second a été condamné à la peine capitale. Or ni dans un dossier, ni dans l’autre la vérité n’aura été clairement établie. Et bien qu’on ne revienne pas sur la chose jugée, il n’en restera pas moins vrai que le doute subsistera. Or le doute profite à l’accusé, qui en droit français est présumé innocent jusqu’à la preuve du contraire.

Par delà la douleur des familles qui ont perdu un être cher, la souffrance de la victime qu’on ne peut qu’imaginer ne doit pas faire oublier que la justice est avant tout humaine donc faillible. Démêler le vrai du faux, sonder les faits tels qu’il se sont passés et non comme le suggère la rumeur, l’opinion demande plus de distance qu’on ne le croit. Me Moro-Giafferi ne disait-il pas : "L'opinion publique, chassez-la, cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche..."

Le crime est vieux comme le Monde. En assassinant son frère Abel, Caïn est devenu le premier criminel. Tous les assassins ne sont-ils pas des fils de Caïn ? En chaque homme ne cohabite-t-il pas une part de Caïn comme une part d’Abel ? Ne sommes-nous pas en constant écartèlement entre la raison et l’instinct, le détachement ou l’envie.

La peine de mort est un crime légalisé. Le professeur de Droit pénal Jacques Léauté avait maintes fois soutenu que la peine capitale est loin d’être exemplaire. Certes, elle élimine de la société un criminel, mais elle ne dissuade pas ceux qui seraient tentés de le devenir. De même, si l’on devait appliquer la même rigueur au crime conformément à la loi du Talion, il faudrait condamner à mort plusieurs fois le tueur en série. Or la peine de mort est définitive et unique. Quant à l’acte qu’il est censé punir, il peut être lui multiple. A-t-on le droit en tant que société d’utiliser les mêmes armes que les criminels, à savoir les moyens de donner la mort froidement parce qu’un juge en aura décidé ainsi en appliquant la loi, strictement la loi.

La faillibilité de la justice ne permet pas de soutenir une telle analyse.

Qu’en est-il de la réclusion criminelle ? Toujours selon les criminologues, la prison constitue une mort lente qui sans espoir de libération conditionnelle conduit au désespoir. Or le rôle de la prison est d’amener le criminel ou le délinquant à s’amender afin de retrouver sa place dans la société. Dans la réalité, la prison ne remplit pas cette fonction ; et des délinquants mineurs retombent dans la récidive, forts de l’expérience acquise en cellule au contact de plus aguerris qu’eux. Il ne faut pas oublier non plus que la prison est un espace clos avec ses règles, écrites ou non, ses codes, ses déviances, et surtout un manque total de perspectives.

Prolonger dans ce cas la réclusion au-delà de la peine prononcée en réponse à une dangerosité réelle ou supposée ne résout pas le problème. Qui sera amené à juger du caractère dangereux ou non de la personne ? Ne remet-on pas en cause l’autorité de la chose jugée, en permettant à des médecins, psychiatres ou tout autre spécialiste de se substituer au juge pour maintenir ou non un criminel en prison sa peine étant purgée. On objectera que la mesure concerne des criminels ayant accompagné leur acte d’une particulière barbarie. Soit ! Le crime reste un crime quelle que soit sa cruauté. N’est-ce pas ouvrir une boîte de Pandore en envisageant des extensions possibles ? La mesure pourrait s’appliquer à d’autres criminels, et pas seulement à ceux dont les victimes sont mineures. N’était-ce pas ce que semblait suggérer le reportage du Journal de 20 heures sur France 2 en interviewant M. Schmidt, le père de la jeune femme de 23 ans assassinée à coups de couteau dans le RER D. La dérive, si dérive il y a est déjà du côté des médias avec leurs amalgames, le projet de loi de Rachida Dati ne concernant pas les crimes contre des victimes majeures.

Poser le problème permet d’ébaucher une solution tout en focalisant le débat. En la matière, l’initiative de la Garde des Sceaux est peut-être critiquable, si l’on considère qu’elle est une réponse aux récents faits divers. En cela, elle nous ramène à la critique de Me Moro-Giafferi sur l’opinion publique qui préférait que la justice soit rendue dans une complète sérénité.

C’est avec sérénité, plus qu’avec une nouvelle commission ou des cris de protestation, qu’il sera possible de dégager des solutions équitables qui respectent la justice et ses décisions, les droits des victimes, les droits de l’homme, et cette idée toujours diffuse si ce n’est naïve pour certains que l’homme peut s’amender, fut-il un criminel.

Le 8 janvier 2008

C.E. Arkantz

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  • Arkantz est mon nom de plume. S'il commence par A et finit par Z, ce n'est pas un hasard mais un hommage à un artiste auquel je suis apparenté. Consultant-formateur engagé, je m'inscris dans une vision laïque, humaniste et écologiste de la société.
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