Votre Excellence,

Suite à la visite du Premier Ministre turc M. Erdogan en Espagne, M. Zapatero a réaffirmé le soutien de l’Espagne à l’adhésion de la Turquie à  l’Union Européenne. Je vous prie donc de bien vouloir communiquer cette lettre au chef de votre gouvernement.

Cette position est une véritable insulte à toutes les victimes d’un État qui a érigé en système un négationnisme des plus actifs, des lois liberticides comme l’article 301 du code pénal, le mensonge et l’intolérance.

Il est malheureux de constater que l’Espagne qui a connu une période difficile où les libertés étaient bafouées avec l’exil forcé de bon nombre de ces citoyens soutienne ouvertement un État ouvertement négationniste et ultranationaliste qui ne respecte pas les Droits de l’Homme ni ne veut affronter son propre passé.

Dois-je vous rappeler qu’il y a un an, le journaliste turc d’origine arménienne Hrant Dink était froidement assassiné en pleine rue de trois balles dans la tête ?

Dois-je vous informer que l’historien turc Taner Akçam, après avoir fait l’objet d’une habile campagne de diffamation par des nervis au service de cet État dont vous plaidez la cause, vit actuellement sous la menace d’être exécuté pour ses prises de position ?

Dois-je vous rappeler qu’utilisant l’argument de la lutte contre le terrorisme l’armée turque bombarde des villages kurdes en Irak, sans que la communauté internationale ne s’en émeuve. Rien de nouveau en cela. Sous le régime dictatorial de Saddam Hussein après la première guerre du Golfe, l’armée turque ne se privait pas de raids meurtriers sur le nord de l’Irak, tant il est vrai que l’armée irakienne ne représentait plus un danger pour elle ?

Passons sur les meurtres à caractère religieux, les bombes posées devant les synagogues, et les inculpations régulières d’intellectuels turcs qui de Ragip Zarakolu à Orhan Pamuk n’ont suscité guère de critiques. Car si Orhan Pamuk n’avait pas été prix Nobel de littérature, il est vraisemblable que personne n’en aurait parlé.

Cette amnésie serait-elle la conséquence de la perspective de juteux contrats avec la Turquie ?

D’aucuns affirment que la Turquie n’est pas européenne. Cet argument n’est pas tout à fait juste. Pendant près de trois siècles, l’Empire ottoman qui n’avait qu’un orteil en Europe avec Constantinople y avait posé le pied. Un pied sanglant il va s’en dire. De la Bulgarie aux frontières de l’Autriche-Hongrie, cet Empire a imposé son joug, massacrant et réduisant des villages en esclavage, islamisant des populations entières ; il s’est même permis le luxe d’assiéger Vienne. Les relents de cette occupation se ressentent aujourd’hui dans les Balkans.

Les leçons du passé doivent être comprises. Ceux qui veulent la mort de l’Europe sont favorables à l’entrée de la Turquie. Cela reviendra à faire entrer un loup gris dans la bergerie, à la différence près que ce loup-là y a déjà mis le bout de son museau.

Bien respectueusement.

C.E. Arkantz