Les 24ème Victoires de la Zizique
Entre émotion(s), longueur et provoc' à deux balles
Les Victoires sont une grand messe médiatique et cathodique qui cristallise autour d'elle tout le monde du Show biz. Un monde où chacun sait « Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil », en reprenant la célèbre formule de Jean Yanne.
C'est donc l'occasion des hommages et des auto congratulations dans ce milieu, où plus encore qu'ailleurs les jalousies et les chausse-trappes sont de mise.
Il y a bien sûr les séquences "Émotion" qui voient récompensés des artistes pour l'ensemble de leur carrière ou la reconnaissance de leur grand talent. L'édition 2009 ne faillit pas à la tradition en distinguant par des hommages spéciaux Johnny Hallyday ou Jean-Loup Dabadie (futur Immortel) ; l'un et l'autre représentent la performance et la durée avec le charisme pour le premier, la finesse et la justesse des mots ainsi que le souci de la perfection pour le second.
Sans oublier bien entendu la consécration d'un artiste tout particulièrement. La cuvée 2009 ne rompit pas avec la règle en couronnant Alain Bashung par trois Victoires. C'est sans aucun doute la Victoire pour un style inimitable dans l'interprétation tout autant que dans l'écriture, mais également la reconnaissance du courage d'un homme qui face à la maladie continue à se produire en tournée. Si les chansons d'Alain Bashung ne peuvent laisser indifférent, il est un interprète sensible et l'a prouvé maintes fois sur grand écran.
On peut regretter toutefois les longueurs. Trop de catégories (encore que certains regrettent qu'il n'y en ait pas assez), des remerciements à rallonge quand ils ne se transforment pas en tribune revendicative, et j'en passe.
Côté revendication, nous avons eu le droit à deux exemples de provoc' sans laquelle évidemment la fête ne serait pas complète. Nous avions l'habitude de l'irruption des intermittents qui avec leurs affiches, qui avec leurs actes de sabotage venaient mettre leur grain de sel dans le direct. Cette année, ce sont deux artistes
qui sont venus semer le trouble. Le premier est coutumier du fait. On le sait violent et outrancier, tout autant qu’il est virevoltant et bondissant sur scène. Il s’agit bien entendu de Cali.
Si personne ne peut rester insensible au drame des sans-papiers, des sans-domiciles, et plus généralement de tous les exclus, ce n’est pas l’apanage d’une mouvance ou d’un parti. Que Cali roule pour le parti socialiste, c’est son affaire. Qu’il se serve de la scène comme tribune pour ses élucubrations ou ses revendications passe encore tant que le public a payé pour le voir. Encore qu’aimer un chanteur ne signifie pas adhérer à toutes ses opinions. Mais qu’il utilise la télévision pour le faire, il y a des bornes à ne pas dépasser. Nombreux sont les Français qui, issus comme Cali de l’immigration, aiment leur pays et n’apprécient pas d’être insultés par la vindicte d’un artiste et intellectuel autoproclamé. Si déshonneur il y a ce n’est pas celui de la France, mais le triste spectacle de la bêtise et de l’immaturité, de la provoc’ bon marché et de la solidarité de salon. Signer des pétitions ou se montrer lors de manifestations est facile, tendre la main et aider réellement en l’hébergeant un homme dans la détresse sans le clamer sur les toits l’est beaucoup moins.
On ne pouvait pas évidemment
en rester là.
C’est alors qu’est arrivé sur scène un certain Damien Saez dans une tenue de clochard. Après nous avoir gratifié d’une lecture frisant la propagande, ce « jeune et con » (titre de l’une de ses chansons) a poursuivi par une complainte pour ne pas dire un hymne où notamment l’actionnaire (eut-il une seule action) a du sang sur les mains. Cette logorrhée vomitive confinerait au ridicule, si l’on ne prenait pas la mesure du risque qu’elle représente, quand matraquée dans les oreilles d’une jeunesse qui se cherche, elle peut l’embrigader dans les mouvements extrêmes. Saez comme Cali peuvent s’enorgueillir que c’est grâce au système sur lequel ils crachent leur fiel qu’ils existent. Et il est sans doute plus aisé de jouer les Don Quichotte ou les Révolutionnaires avec un compte en banque conséquent, alors que des milliers de vrais talents restent eux dans l’ombre.