Glissade autour de la banane

Encore une histoire de peau

Minute fait rarement dans la dentelle. Loin s’en faut.  Pierre Desproges ne disait-il pas de ce journal :

« Vous lisez Minute ? Non ? Vous avez tort, c'est intéressant. Au lieu de vous emmerder à lire tout Sartre, vous achetez un exemplaire de Minute, pour moins de dix balles, vous avez à la fois La Nausée et Les Mains sales. »

Pourtant, « Sans la liberté de blâmer, il n'est point l'éloge flatteur. »

La citation est de Beaumarchais. À son époque, une critique mal appréciée par le pouvoir conduisait directement à la Bastille avec une lettre de cachet. Ce cachet n'était pas une récompense, ni un comprimé, mais bien le sceau royal qui menait du cachet au cachot.

Pas de peau pour l'audacieux qui avait osé se moquer de la personne royale, de son entourage ou de ses ministres.

La liberté de la presse a levé la sanction, sauf évidemment pour diffamation ou injure.

De la banane puérilement stupide et imbécile d'une gamine angevine instrumentalisée lors du déplacement de la Garde des Sceaux à la Une de Minute sur la banane retrouvée de la chère ministre sans oublier la page Facebook d’une candidate du FN (exclue du partie), cette histoire simiesque est passée de la retenue gênée à l'hystérie gouvernementale. On peut ne pas partager les combats de Christiane Taubira, ni adhérer à sa personnalité, mais il est des postures inadmissibles qu’un silence complice ne peut que cautionner.

Le respect est devenu une valeur en désuétude. Ne nous étonnons donc pas du manque de respect de la part des plus jeunes, lorsque leurs aînés et non des moindres en manquent cruellement.

En son temps, un « Casse-toi, pauvre con ! » avait fait son effet plutôt négatif dans la bouche de son auteur. Il est préférable en cas d’attaques personnelles de ne pas tomber dans le piège de la montée de la mayonnaise. À ce jeu, il y a toujours deux perdants. Je connais des singes bien plus respectables que certains hommes car ils ont gardé une once d’humanité en eux. Il faudrait que les humains qui se croient supérieurs aux autres espèces aient parfois conscience de leur insignifiance.

La politique est une arène de gladiateurs où les coups les plus tordus sont hélas permis. S’engager dans cet espace public, c’est accepter cette réalité, car le moindre faux pas, le plus petit défaut, comme malheureusement les origines ou le passé serviront d’armes à des ennemis se moquant tout autant de l’éthique que de la bienséance.

Jean-Marc Ayrault devrait comprendre que ce n'est pas avec force décibels qu'on défend une cause. Au silence coupable après la « banane » d’Angers aux vociférations dans l’hémicycle du prof de Matignon et de son chœur des anges, le crescendo vocal aura du mal à couvrir la grogne de la rue. Cette grogne entretenue par les extrêmes traduit un malaise est profond et il faudra plus qu’un rideau de fumée gouvernemental pour faire taire les mécontents.