Ou parole accusatrice
L’incertitude préside parfois à une prise de position. Se taire serait laisser faire, parler donner trop d’importance. Cela rappelle l’histoire de celui qui lors de la montée du nazisme préféra se réfugier dans le silence :
« Lorsqu’ils vinrent arrêter mon voisin communiste, je ne dis rien. Je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils vinrent arrêter mon voisin socialiste, je ne dis mot. Je n’étais pas socialiste. Lorsqu’ils vinrent emmener mes voisins juifs, je me tus. Je n’étais pas juif. Et lorsqu’ils vinrent m’appréhender, il n’y avait plus personne pour protester. »
Protester peut prendre différentes formes. Il y a ceux qui utilisent des moyens de pression pour emporter l’adhésion du plus grand nombre, du moins dans leur esprit. Mais bloquer des routes ou des trains n’a que rarement fait avancer une cause. Considéré comme une revendication catégorielle, le blocage fait les affaires de ceux contre qui les protestataires se braquent.
D’autres paieront de leur personne. Ainsi, un mouvement qui se prétend féministe et homophile utilise le corps de ses militantes tant comme objet revendicatif que pancarte. Mêlant l’outrage public à la vulgarité, tout en usant de méthodes agressives, ses soi-disant « amazones » dont la presse se fait écho viennent d’uriner en public sur le portrait du président ukrainien. On peut ne pas aimer un dirigeant politique, critiquer ses choix. Le refus de Viktor Ianoukovytch de ratifier un accord avec l’Union Européenne a mis le feu aux poudres. L’Ukraine est un pays divisé entre une communauté russophone, qui ne veut pas rompre avec la Russie, et des Ukrainiens qui rêvent d’Europe. Derrière les mouvements de foule d’un bord comme de l’autre se dessinent des intérêts divergents. L’Ukraine dépend de la Russie pour son énergie. Et la catastrophe de Tchernobyl ne milite pas pour un recours au nucléaire. D’un autre côté, comme beaucoup de peuples du bloc soviétique le peuple ukrainien a le regard tourné vers l’ouest, sa liberté, sa richesse supposée, son rêve de bonheur.
Un Ukrainien pourrait-il imaginer dans quelles difficultés se débattent des millions de ces Européens aux prises avec une crise sociale, économique, politique et financière ? Maintenu dans un état de transe, il croit ce qu’on veut bien lui faire croire. Il ne voit que les photos glacées des magazines, les vitrines bien achalandées des boutiques de luxe, la vie apparemment facile étalée dans les journaux et relayée par d’habiles manipulateurs de la détresse.
Les Européens en ont tellement assez de cette Europe des technocrates de Bruxelles qu’ils le manifesteront dans un vote populiste et protestataire qui fera naitre autant de Ianoukovytch ou de Pinochet prêt à promettre monts et merveilles en nous ôtant notre liberté chèrement acquise. Est-ce cela le rêve européen ?