La chasse aux Charlots a commencé…
L’esprit de « Je suis Charlie » est en danger
Être ou ne pas être. Le dilemme shakespearien se joue aujourd’hui par les postures des uns et des autres. Il y avait fort à craindre que l’élan républicain autour du mot d’ordre « Je suis Charlie » ne fasse l’objet dans un premier temps d’une récupération politique. C’est désormais chose faite. Après le discours du premier ministre à l’Assemblée nationale dans lequel certains ont reconnu des accents de Clemenceau, l’unanimité s’est faite autour d’un engagement militaire de la France en Irak contre Daech ou Isis, enfin cette hydre créée de toutes pièces par l’Occident. Ne nous y trompons pas. Isis n’est pas une génération spontanée ayant surgit par hasard au Moyen-Orient. Loin s’en faut.
Le 11 septembre avait conduit Washington à pointer un coupable Al Qaïda, une cible prioritaire l’Afghanistan des Talibans afin d’organiser une intervention d’envergure par l’invasion de l’Irak de Saddam. Le Reis était d’ailleurs accusé d’être un des soutiens du terrorisme. Le cas afghan n’est toujours pas résolu et les Talibans poursuivent leurs massacres. L’Irak a été détruit et, désorganisé, le pays est devenu le terrain de jeu des extrémistes.
La tentation de la création d’un Kurdistan souverain profitant de la manne pétrolière inquiétait tout autant l’Occident que la Turquie. Dans un Irak affaibli, rien n’aurait pu empêcher la partition hormis le chaos.
Les révolutions colorées devaient atteindre la Syrie. Certes, le pays n’est pas une démocratie selon les standards occidentaux. Mais les minorités avaient jusqu’à présent pu bénéficier de la protection du régime de Damas. Armé et équipé par les monarchies du Golfe, à savoir l’Arabie saoudite et le Qatar, Isis répondait donc à la triple mission :
- Entretenir et développer le chaos en Irak,
- priver les Kurdes de leur pétrole et de leur désir de souveraineté en tuant au passage les Assyro-Chaldéens, les Arméniens et les Yezidis,
- renverser le régime de Bachar El-Assad.
Le monstre Isis a dépassé les bornes. Et à la face du monde, son créateur est maintenant obligé de l’abattre. Hélas, ledit monstre a attiré vers lui tous les désespérés de la terre, les perdus de Dieu dans un maelström suicidaire au nom d’Allah. Les musulmans en sont les premières victimes. Ainsi, pour chaque bombe sur l’Irak, ce sont des populations entières qui seront exterminées en représailles. Que les Kurdes aient reçu des armes ne changera pas grand-chose sur le terrain. Isis s’est inscrit dans la durée d’un Califat qu’Atatürk avait enterré.
La réponse du 11 janvier sera-t-elle aussi dangereuse que celle du 11 septembre ? Tant qu'on n'aura pas le courage de s'attaquer aux sources du mal, rien ne se règlera par un excès de sécurité. Rien n’arrêtera les criminels. Et ce n’est pas par une chasse contre ceux « Qui ne sont pas Charlie » que l’on défend la liberté d’expression. Il en faudrait peu pour que, malheureusement, le scénario du pire soit la réponse à l’horreur.