Le meurtre mis en scène…

De la fiction à la réalité

Stalingrad de Jean-Jacques Annaud (Jude Law) - 2001

Pulvérisant le Box-Office aux États-Unis, American sniper sort sur les écrans, alors qu’ISIS continue ses mises en scène macabres des côtes de la Libye aux confins de l’Irak. Si le premier met en images les « souvenirs de guerre » de Kyle dit la Légende, après ses « exploits » à Falloujah, le califat amplifie ses menaces directement ou indirectement.

Les Shebabs somaliens n’ont-ils pas appelé à des actions terroristes dans les centres commerciaux en France et aux États-Unis, alors que le Charles-de-Gaulle s’engage dans des opérations en Irak et les frappes américaines ne font que renforcer la détermination des djihadistes sur le terrain.

Christopher Lynn Hedges a démonté le dernier long métrage de Clint Eastwood [1] sur cet American psycho qu’était le snipper des SEALS, Chris Kyle (né à Odessa au Texas), lui-même abattu au Texas le 2 février 2013. Qui est le plus coupable ? Le tueur appointé par l’État pour faire le « job » ou l’État qui envoie ses fils se faire tuer dans des pays étrangers qu’il a décidé d’envahir pour leur imposer ses lois ?

Michael Moore pense que le film peut faire réfléchir, sans qu’il soit besoin de critiquer l’armée américaine. Elle n’est que l’instrument d’un pouvoir qui lui est critiquable. Il cible plus les politiciens que les hommes de terrain, même s’il considère les snipers comme des lâches.

Le problème est que la conscience collective réagit inconsciemment plus par l’émotion que la raison. La majeure partie des individus ne pensent que par leurs sentiments ou leur instinct, le cerveau limbique ou reptilien. Le cortex ne sera pas sollicité en première intention. Beaucoup se contenteront donc du message sommaire, simpliste, manichéen entre le bien et le mal, sans rechercher derrière le dit ce non-dit pourtant si important.

Michael Moore fait confiance à la conscience humaine, là où Christopher Hedges observe les réactions primales des spectateurs manipulés par les politiques et les médias. Il manquerait entre ces deux positions un éveil réel de leurs contemporains que ce soit aux États-Unis comme dans le Monde entier.

Or, le spectacle de l’horreur banalisée empêche la réflexion. Nul n’a le recul nécessaire pour décrypter les intentions que cachent les évidences, enfin ce que l’on veut nous faire croire comme des évidences. Ainsi, il n’y a entre ISIS et l’Islam aucune réelle connexion, mais l’instrumentalisation de l’appartenance religieuse pour abuser les plus faibles afin d’en faire de dociles petits soldats d’une guerre plus sale que sainte ou les offrir en martyre par le suicide programmé pour un meurtre collectif.

ISIS ou du moins ceux qui l’utilisent l’ont bien compris. En stigmatisant une religion comme le peuple arabe, les images laisseront des traces indélébiles créant autant de traumas chez les plus influençables. Parmi les plus affectés se recruteront, d’un côté, les candidats à la mort en Syrie ou ailleurs et, d’un autre côté, les nouveaux croisés de la race chrétienne blanche, comme autant de Samantha Lewthwaite dite la « veuve blanche » ou de Chris Kyle, sniper sans âme.

Lien vers l'article en américain de Christopher Hedges :
http://www.truthdig.com/report/item/killing_ragheads_for_jesus_20150125

Traduction sur Les Crises : http://www.les-crises.fr/american-sniper-tuer-des-bougnoules-pour-jesus-par-chris-hedges/

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[1] Tiré du livre American Sniper: The Autobiography of the Most Lethal Sniper in U.S. Military History (William Morrow, 2012)