L’échiquier de la peur…
Ou le sens du sacrifice
« J’ai fait le don de ma personne ! »
C’est ce que déclarent ceux qui croient en leur destin. Peut-on vraiment faire le don de soi en politique ?
Dans son discours du 17 juin 1940, le Maréchal Pétain concluait son message sur les ondes par : « […] Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. » Il fut beaucoup plus entendu par les Français que le fameux appel du lendemain que prononça le Général de Gaulle sur Radio-Londres. Celui-ci se terminait par : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. Demain comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »
Il y avait là deux visions de la France. Résignée, la première qu’assumait le héros de Verdun par le don de sa personne entérinait la défaite face à un ennemi en surnombre et proposait malgré l’humiliation subie de préserver la continuité de l’État. Dès lors, le Maréchal accepterait l’occupation. Elle fera du régime de Vichy le complice de la machine de destruction nazie dans une compromission coupable. L’Allemagne avait enfin sa revanche en lavant l’affront du Traité de Versailles. Elle savourera sa victoire, du moins dans l’immédiat.
Prophétique, la seconde écartait la fatalité en appelant à la résistance. Pour que la France ne perde pas son âme dans le déshonneur, elle voulait ranimer le courage des tenants de la France éternelle, une France voulant rester debout. Cette France résistante encore fragile et balbutiante aura ses propres héros qui lui sacrifieront leur vie : Le Lycéen Guy Môquet, l’Officier de Marine Honoré d’Estienne d’Orves, le Préfet Jean Moulin ou l’apatride Missak Manouchian. Ils auront fait le don de leur personne à la France qu’ils aimaient quel que soit leur âge, leur origine, leur opinion ou leur religion.
Lorsque l’inconnu nous menace, nous avançons sur un Échiquier mouvant, celui de la peur. Le jeu nous échappe. Les pièces ne nous semblent pas assez puissantes pour nous guider vers la Lumière. Nous avons juste oublié que nous étions tous des pions engagés dans la même partie ; que chacun d’entre nous avait son avenir entre ses mains. Nous pensions maîtriser les outils du développement. Nous avions cette croyance aveugle dans le progrès et la science. Certains condamnaient au bûcher virtuel ces nouveaux sorciers, adeptes de la Nature, à ne pas confondre avec les écolos bobos, auto-proclamés défenseurs de l’environnement, ni ces icônes adolescentes venues de Scandinavie, fausses idoles d’une jeunesse en questionnement.
Nous mettions au pilori des Gilets Jaunes, face émergente de l’iceberg d’un malaise social plus profond. Ce mouvement décrié par les uns, soutenu par les autres transformait nos samedis en combats de rues. Il y avait parmi ces contestataires toutes les couches d’une population exclue du progrès économique et social, cette France d’en bas, celle qui doit se lever tôt ou celle qui n’espère plus rien. Mouvement spontané ou manipulé, les avis divergeaient. Ils étaient pourtant un symptôme de notre société rapidement caricaturé par les médias.
Aujourd’hui, c’est une partie de cette France-là qui est applaudie à 20h, infirmiers, aides-soignants, urgentistes, médecins, réanimateurs, ambulanciers, mais aussi policiers, pompiers, gendarmes, caissiers, éboueurs, producteurs ou agriculteurs, alors que la France est invitée à vivre confinée.
Qui sont actuellement nos vrais résistants ? Nos dirigeants dans la tempête, ces beaux-parleurs ou ces moralistes télévisuels, la majorité des Français qui acceptent de vivre reclus ou ces anonymes qui luttent afin de sauver des vies ou permettre à tous de continuer à vivre ?